Une ville de seize mètres carrés conçue par Floris Hovers (°1976, Pays-Bas) s’étale sur le sol du nouvel espace de la galerie Jacques Cerami. Elle possède tous les caractères des villes que l’on connait, mais elle n’en reproduit aucune, et elle ne relève d’aucun projet urbanistique qui viserait à inventer une ville parfaite.
Entièrement composée de blocs de bois récupérés aux dimensions et aux formes diverses, elle éclate en un foisonnement de couleurs vives, tendres ou fluo. Dans cette métropole, il y a des maisons, des buildings, des usines, un grand parc central avec une grande roue, un viaduc de chemin de fer, des ponts, une voie rapide pour les voitures et les camions, un fleuve pour les bateaux. Est-ce parce qu’elle ravive des souvenirs d’enfance : les heures passées à construire avec des blocs de bois ou de plastique qu’elle produit immanquablement le sourire sur les visages (masqués) des visiteurs ?
Floris Hovers est designer ; il a créé des jeux, des meubles, etc., il poursuit également une œuvre autonome comme ces créations de villes, de maisons aux accents proches du mouvement De Stijl ou de constructions industrielles en métal rouillé que l’on retrouve également dans l’exposition. Dans tous les cas, son travail consiste à ‘jouer sérieusement’ : « Quand j’étais enfant, j'imitais les choses et les interprétais à ma façon. S'il y avait un bateau qui draguait le long de la rivière près de chez moi. Je le mettais en scène le soir, sur une palette de bois, dans une grande flaque d'eau et avec une pelle. Maintenant, jouer signifie pour moi ramener le monde d'un enfant dans celui d'un adulte » explique-t-il. Dans son travail autonome, Floris Hovers laisse venir les choses, il construit avec ce qu’il a sous la main, naturellement et sans plan préalable. Il crée ses mondes, il les assemble, il les partage. Et ces mondes sont rythmés par la couleur qui s’apparente pour lui à la musique, « c’est une question de rythme, d’expérience et d’émotions ».
Si la ville qu’il présente ici peut aussi être qualifiée de ‘città ideale’, ce n’est pas parce qu’elle est la maquette d’un futur réalisable – c’est une ville impossible –, c’est parce qu’elle vient du désir de Hovers et qu’elle permet à chacun de s’y projeter. C’est aussi parce qu’en nous restituant un regard d’enfant, elle nous rend le pouvoir de rêver et d’imaginer des futurs à vivre.