L’exposition de Gaëlle Leenhardt à la Brasserie Atlas s’intitule « Mouvements de masse ». L’expression appartient à la géologie – une discipline qui anime particulièrement la jeune artiste – et désigne les affaissements, les tassements, les effondrements et les glissements de terrain. Si le travail de Gaëlle Leenhardt puise dans la stratigraphie, s’il aborde des questions liées à l’anthropocène, il aboutit, par un processus poétique d’une grande justesse, à la création de récits métaphoriques pour penser notre temps.
Pour découvrir l’exposition, il faut d’abord traverser la cour où trône un grand bassin de béton (la matière de prédilection de l’artiste) qui recueille et laisse s’évaporer les eaux de pluie. Deux grandes portes métalliques sont recouvertes d’images d’oiseaux en plein vol. Dans la cave, un chant lancinant envahit l’espace. L’installation sonore est sous-titrée « Sound of stone » : un son qui provient du polissage de pierres à lithographie diffusé ici en quadriphonie. Gaëlle Leenhardt a réalisé cet enregistrement avec la musicienne Mika Oki lors de sa résidence au Frans Masereel Centrum. La musique accompagne toute la visite de l’exposition.
En atteignant le premier étage de l’ancienne brasserie, le visiteur remarque à ses pieds des oiseaux de béton aux couleurs et aux postures variées qui conduisent à un espace où ils peuplent le sol. L’artiste, actuellement résidente au HISK, a vécu à Belgrade il y a quelques années. A 13 km de la capitale serbe, elle a découvert une petite ville au bord du Danube. Depuis le début du vingtième siècle, des fouilles ont permis d’y découvrir des vestiges d’une cité datant du néolithique ce qui en fait un des plus hauts lieux de la préhistoire européenne. Mais Vinča abrite aussi une des plus grandes décharges à ciel ouvert d’Europe qui s’étend sur 600 000 m2.
Trois images de cette décharge s’associent aux oiseaux. Sur la première on distingue des nuées d’oiseaux à la recherche de leur pitance, sur la seconde, on distingue une silhouette humaine à la recherche d’objets monnayables et la troisième montre une crevasse dans le terrain – des couches de terre succèdent à des déchets plus ou moins décomposés qui forment une matière nouvelle dans laquelle la végétation peut pousser.
Dans l’espace adjacent, sept rectangles monochromes aux tons subtils sont suspendus au plafond. La lumière naturelle joue avec les couleurs et les textures. Sur l’autre face, ces rectangles deviennent cadres de béton renfermant des photographies en noir et blanc de pierres du désert texan dont l’immuabilité contraste avec les images de Vinča.
Entre pierre et béton, néolithique et vingt-et-unième siècle, les relations s’établissent et les oiseaux de la cour semblent avoir quitté le bâtiment pour venir s’abreuver dans le bassin de béton.