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Expo

Peindre la symbiocène

Marie Zolamian à C-Mine
Colette  Dubois

Praktische info

Marie Zolamian, Droomland, jusqu’au 11 december 2022 à Jester, Genk, www.jester.be

A l’initiative de Jester (l’organisation née de la fusion entre le FLACC et le CIAP de Genk), Marie Zolamian présente « Droomland », une peinture monumentale qui en recèle beaucoup d’autres.

Au premier étage du C-mine Energiegebouw, une toile de plus de 13 mètres de large et de trois mètres de haut est suspendue au plafond, elle divise l’espace et masque le fond de la salle. C’est un paysage imaginaire qui part d’un rocher, traverse des étendues de verts, de roses et de bleus et atteint la mer, il est peuplé d’oiseaux petits et gros, de fruits, de fleurs et de branches. On y trouve encore un poulpe, un petit éléphant et, dans le haut de la toile, au bord d’un mince ciel d’aube ou de crépuscule, des minuscules formes humaines semblent se pencher sur ce jardin d’Eden qui leur est inaccessible. Sur la toile, 22 petits tableaux à l’huile sont accrochés – des animaux fantastiques, des personnages, des motifs, etc. – ainsi que huit petites pièces de céramique – des dessins en relief parfois rehaussés de couleurs.

Cette présentation est déconcertante au premier abord, d’autant plus qu’au-delà des contrastes d’échelle et de couleurs, elle oppose la matité de la peinture monumentale à la brillance des tableaux. Elle trouve sa justification quand l’artiste explique qu’elle réfère à ses souvenirs d’enfance à Beyrouth : « des grands tapis muraux remplis de photos, talismans, gris-gris, objets de toutes sortes et d’artefacts ». Le titre de l’ensemble est « Droomland » (c’est aussi celui d’un des petits tableaux). Il trouve son origine dans une affiche des années 30 vantant la ville de Genk et sa région qui, au début du vingtième siècle, attirait beaucoup d’artistes séduits par ses paysages vallonnés avant de devenir une région minière et un important lieu d’immigration – les mineurs venus travailler dans la région qui rejoignaient chaque jour le fond de la terre n’y ont certainement jamais vu un monde de rêves !

Marie Zolamian a nommé la grande toile « Symbiocène », un terme qu’elle a emprunté au philosophe de l’environnement australien Glenn Albrecht. Pour ce dernier, le « symbiocène » doit remplacer l’anthropocène en mettant en œuvre une vision différente du monde et en proposant une vision de l’avenir optimiste. En prenant en compte les intérêts de toutes les formes de vie intégrées, interconnectées qui font notre terre, nous pourrions créer de nouveaux espaces qui seraient le reflet de la diversité des humains et qui rencontreraient le besoin de construire une culture affirmative de la vie sur toutes les parcelles de la terre. Il s’agirait donc de former un nouveau paysage. C’est à cela que Marie Zolamian s’attelle ici. Après s’être plongée dans les peintures de paysage du musée Emile van Dooren de Genk, elle invente un paysage imaginaire – pour l’artiste, la nature relève toujours de l’imaginaire – qui se déroule comme un tapis, « une promenade visuelle déroulée mouvante avec des perspectives multiples, où la perdition est source de découvertes » dit-elle.

Si l’artiste envisage la grande peinture, les petites et les céramiques comme une seule création modulable, on voudrait tout de même pouvoir examiner chacun des petits tableaux séparément et naviguer dans la grande toile, s’arrêter à ses multiples détails, apprécier les superpositions de couleurs, les jeux de transparences, les fulgurances de certains traits presque fluorescents. Peut-être nous raconteraient-elles d’autres histoires que celle de la symbiocène et nous aideraient, nous les humains, à être les acteurs de ce paysage et plus seulement ses spectateurs.

Marie Zolamian, Droomland, 2022, technique mixte, 3 x 13.45 m, photo Michiel De Cleene
Marie Zolamian, Droomland, 2022, huile sur toile sur panneau, 30 x 40 cm, photo Michiel De Cleene